Définition de la localisation pour la RD. Congo expliquée par De-Joseph KAKISINGI
Sept ans après le sommet d’Istanbul,la localisation restait une théorie à compréhension multiple pour les acteurs humanitaires en RD Congo. Depuis 2020 une dynamique pour la localisation semble s’installer progressivement et de plus en plus d’acteurs s’y intéressent. Mais la compréhension de la localisation semble différente selon les acteurs. Il est difficile de parler de la même chose avec des compréhensions différentes et arriver au but. C’est pour cette raison que CONAFOHD a d’organisé en octobre 2023 le premier symposium national sur la localisation et a convié tous les acteurs humanitaires œuvrant en RD Congo ainsi que les plateformes internationales qui travaillent sur la localisation à y prendre part. De ce symposium, est sortie une définition opérationnelle de la localisation qui servira désormais de la base pour la compréhension de la localisation en RDC.
DEFINITION DE LA LOCALISATION POUR LA RD. CONGO
« La localisation est un Processus collectif, impliquant différentes parties prenantes à partir d’une analyse commune de contexte, qui aboutit à la mise en place d’un ensemble des mécanismes et moyens pour renforcer, dans le respect des principes humanitaires le rôle des acteurs locaux et les amener au premier plan de l’action humanitaire ; dans le but de prévenir les crises et catastrophes, et de la rendre (réponse) plus rapide, adaptée aux besoins des communautés et d’étendre sa portée vers le Nexus Humanitaire, Paix et Développement.» (Symposium national sur la localisation, Bukavu, octobre 2023)
Cette définition consensuelle est le fruit d’une réflexion commune des ONGNs, ONGI, Agences des Nations unies, IFRC, bailleurs des fonds, gouvernement, OCHA, coordination humanitaire et secteurs privés réunis autour d’une même table lors du premier symposium national sur la localisation en RD Congo organisé par CONAFOHD.
Dans le cadre de l’objectif global du «grand Bargain», deux priorités de base ont été définies:
- obtenir une masse critique de financement de qualité, permettant une réaction efficace et efficiente et garantissant la visibilité et l’obligation de rendre des comptes;
- soutenir davantage le rôle moteur, les réalisations et les capacités des intervenants locaux et à la participation des communautés touchées aux actions menées pour répondre aux besoins humanitaires.
Cette définition consensuelle est une définition opérationnelle qui résume en soi le contenu global de la localisation et contient des concepts qui permettent d’atteindre ces deux objectifs du grand Bargain. Les concepts sont bien choisis et chaque mot est plein de sens, se référent aux engagements des signataires du grand Bargain.
En effet, la priorité d’action nº 1 du «grand Bargain» au-delà de 2023, est d’apporter un soutien continu à la localisation, à la participation des communautés touchées et à un financement de qualité
A quoi se référent les concepts utilisés dans cette définition?
- Processus collectif: La localisation implique la participation de toutes les parties prenantes et un engagement des tous les acteurs intervenant dans l’action humanitaire, c’est à dire: le gouvernement, les acteurs de la société civile, les ONGI, les agences des nations unies, les bailleurs des fonds, le coordinateur humanitaire et les communautés touchées par les crises. Chaque groupe a son rôle à jouer pour faire aboutir le processus.
- Analyse commune de contexte: l’analyse commune permet d’intégrer les points de vue de tous et les interprétations complémentaires du contexte, ce qui ouvre sur lapossibilité d’avoir une vue sur différents angles selon qu’on est acteur international ou local. Cela a pour avantage, l’élargissement de l’accès et l’orientation de la réponse vers les besoins réellement ressentis qui aboutira à une réponse vraiment adaptée aux besoins.
- Ensemble des mécanismes: Ceci fait référence à tout ce qui doit être mis en œuvre pour que la localisation soit effective. Les participants au symposium ont identifiés quatre mécanismes principaux qui constituent le pilier de la localisation en RDC. Il s’agit de :
- Coordination et partage de pouvoir
- Partenariat équitable basé sur les principes bien définis par le groupe du travail ad hoc
- Financement de qualité, flexible et pluriannuel
- Transfert/Partage des capacités
Ces mécanismes retenus comme piliers de la localisation en RD Congo, rencontrent la manière dont les signataires s’efforceront d’atteindre l’objectif stratégique global et de mettre en œuvre les priorités de base en articulant leur action autour de quatre grands piliers de résultats : 1) flexibilité, prévisibilité, transparence et suivi ; 2) partenariats équitables et fondés sur des principes ; 3) obligation de rendre des comptes et inclusion ; 4) hiérarchisation des priorités et coordination. («Grand Bargain 2.0»)
- Moyens: ceci fait référence à l’ensemble des mécanismes de financement qui peuvent être mis en place en vue de soutenir les actions des acteurs locaux. En effet, parmi les actions retenues dans les priorités pour le grand Bargain au délà de 2023, il y a:
- « Encourager de nouvelles actions sur les priorités de base du «grand Bargain» en vue d’obtenir une masse critique de financement de qualité, d’atteindre la rentabilité, d’augmenter le financement et le soutien aux acteurs locaux, et d’assurer une plus grande participation des populations touchées à la prise de décision à tous les stades du cycle du programme».
- « Recenser, soutenir et renforcer les mécanismes de financement existants qui permettent une collaboration intersectorielle et des approches de financement novatrices, adaptées aux crises prolongées »
Dans le cadre précis des approches novatrices, CONAFOHD a proposé la création d’un «Fond Humanitaire pour les Acteurs Locaux» ( FOHAL), fonds spécial destiné uniquement aux acteurs locaux et cogérés avec eux.
- Renforcer le rôle des acteurs locaux: ceci se réfère à l’objet même de la localisation dont le principe est : « le plus local que possible, le plus international que nécessaire ». L’un des objectifs stratégiques de grand Bargain 2.0 est : « Renforcer les moyens financiers des intervenants locaux et soutenir davantage leur rôle moteur, leurs réalisations et leurs capacités.»
- Au premier plan de l’action humanitaire: Les acteurs locaux sont là avant pendant et après les crises humanitaires. Ils donnent avec les communautés hôtes, les premiers secours et la première réponse humanitaire. Ce rôle de premier plan doit être reconnu et soutenu par le système humanitaire et l’ensemble des mécanismes mis en place par la localisation. C’est l’opérationalisation même de la localisation.
- Prévenir: Ceci se réfère à un objectif stratégique du grand Bargain 2.0 à savoir : «Intensifier les mesures d’anticipation, mieux intégrer les technologies et assouplir la programmation afin de prévoir les chocs futurs et y répondre.»
- Plus rapide, Adaptée: Ceci se réfère à un objectif stratégique du grand Bargain 2.0 à savoir
«Obtenir de meilleurs résultats humanitaires pour les populations touchées grâce à une efficience, une efficacité et une obligation de rendre des comptes accrues et à des partenariats renforcés, dans un esprit de contrepartie profitable1 à toutes les parties intéressées»
- Étendre vers le nexus: L’humanitaire est appelé à préparer vers la paix et le développement. La localisation se prête mieux à cet exercice car fait intervenir les communautés concernés et les acteurs locaux. «il est nécessaire de renforcer l’opérationnalisation de l’approche fondée sur le lien entre humanitaire et développement afin de réduire les besoins humanitaires et de réaliser des gains d’efficacité au niveau du système.»( grand Bargain 2.0)
Cette définition opérationnelle ouvre la voie à une compréhension globale de la localisation et son adaptation à chaque contexte.
Nous recommandons une lecture approfondie de cette définition à tous ceux qui sont engagés sur la voie de la localisation et attendons d’eux des éventuels observations et suggestions.